Pour l’amour d’un colley

 

"Si nous ne faisions rien dans la passion, nous ne ferions rien" Mary Mc Carthy.

J'ai fait mienne la devise de René Moli , célèbre éleveur de Colleys dans les années 50 et au-delà:

"chacun sait que les rêves d'enfants durent toute la vie. Je me suis jurée lorsque j'avais dix ans d'avoir des colleys, beaucoup de colleys, des colleys à moi, rien qu'à moi, et j'en aurai même si pour cela je dois sacrifier beaucoup dans ma vie qui restera sans regrets."

Ma passion pour les colleys est née, il y plus de 35 ans. Elle est le fruit d'une double rencontre avec d'une part, l'héroïne canine de la célèbre série télévisée "Lassie" et d'autre part, les colleys de l'Elevage des Mandailles dont les propriétaires, Monsieur et Madame Grellier, étaient les voisins d'amis très proches de mes grands-parents. J'accompagnais souvent ces derniers à Leudon où habitaient les Grellier, et passais mes journées à contempler ces magnifiques chiens. De plus mon arrière-grand-mère, que je voyais fréquemment, avait un voisin qui était lui aussi, l'heureux propriétaire de deux colleys. J'avais alors dix ans, j'étais séduite à tout jamais par ce chien et me jurais qu'un jour j'aurais moi aussi des colleys bien à moi, beaucoup de colleys.

Mon rêve devint réalité quelques 27 années plus tard, lorsque je fis l'acquisition de mes trois premiers colleys, deux femelles sables et une femelle tricolore. Je n'étais alors nullement intéressée par les expositions, sauf pour le passage obligé de la confirmation, et ne songeais pas du tout à devenir éleveur. Je venais d'avoir mon premier bébé, j'avais récemment emménagé dans une nouvelle maison et avec mes trois jeunes chiennes, mes journées étaient déjà bien occupées.

Poutant, un évènement tragique vint bouleverser mes plans et surtout provoqua ma rencontre avec les colleys "made in USA". C'était en janvier 1993, nous étions partis aux USA pour rendre visite à ma belle-mère qui venait d'être amputée une nouvelle fois et qui était très affaiblie. L'ironie du sort fit que mon beau-père décéda pendant notre séjour et ma belle-mère se remit peu à peu de son amputation. La veille de l'enterrement, je reçus un coup de téléphone de nos amis qui gardaient la maison avec nos trois colleys. Notre femelle tricolore, Gisèle, âgée seulement de dix-sept mois avait été grièvement blessée lors d'une bagarre avec Ginger, l'une de nos deux femelles sables. Cette dernière était d'un tempérament peureux et agressif mais jamais je n'aurais imaginé qu'elle puisse en arriver là. Gisèle devait succomber à ses blessures deux jours plus tard. J'avais l'impression que le monde s'écroulait. Comment se faisait-il que des colleys, nos colleys que nous adorions et qui avaient suivi des cours d'éducation canine, en viennent à se battre mortellement.

Cette horrible tragédie fut néanmoins le début d'une merveilleuse aventure et d'une précieuse amitié avec John et Evelyn Honig de Worcester dans le Massachusetts. En effet, submergée par la confusion, l'incompréhension et le chagrin, je décidai de téléphoner au Club américain des Colleys, le CCA, qui me suggéra de prendre contact avec John et Evelyn Honig, éleveurs de colleys et juges depuis de très nombreuses années. John m'assura que des colleys ne devaient jamais être aggressifs envers leurs congénères (sauf lorsque plusieurs mâles sont mélangés avec des femelles en chaleur) et encore moins à l'égard des personnes. Il me présenta ses colleys, le coup de foudre fut immédiat, je retrouvais les colleys de mon enfance, je revoyais Lassie.

John et Evelyn, éleveurs de colleys depuis plus de quarante ans et juges depuis plus de vingt ans, directeur du CCA pour John, directrice régionale pour Evely, m'expliquèrent le standard du colley, et une évidence s'imposa immédiatement à moi, le véritable colley n'était pas celui que nous avions l'habitude de voir sur les rings ou dans la rue en Europe, mais bien plutôt celui que j'avais devant moi, un chien merveilleusement équilibré, tant sur le plan physique que mental. Contrairement aux colleys que je connaissais en France, leurs colleys étaient particulièrement confiants et affecteux, ils ne montraient aucune trace de méfiance ou de timidité et encore moins d'agressivité.


En décembre 1993, Isabelle, une splendide femelle tricolore vint rejoindre notre famille. Elle resta néanmoins pendant plusieurs années notre unique colley "made in USA". En effet, après la disparition de Gisèle, je décidai de changer de lignées et de produire moi-même mes chiens. Je rencontrai un nouvel éleveur, dont les colleys me semblaient à la fois beaux et équilibrés. J'obtins mon affixe "Le Clos d'Acadie" en juin 1993 et fis l'acquisition de deux chiots sables "Sacha" et "Sissi" (je choisis volontairement d'omettre l'affixe afin de ne pas porter préjudice à cet éleveur). Gladys eut sa première portée de chiots au printemps 1994. Même si au fond de mon coeur, je préférais les colleys américains, je n'étais pas prête à renoncer à l'élevage de colleys anglais, car je savais très bien que les colleys Outre-Atlantique, qui étaient à la fois très différents et aussi plus grands, ne seraient jamais confirmés (certitude qui a heureusement était contredite par les faits, puisque tous mes colleys américains présentés à la confirmation ont été confirmés par la suite). Je continuais donc d'acheter et d'exposer des colleys anglais, jusqu'à ce que de sérieux problèmes de santé vinrent ébranler mes convictions. Joplin, l'étalon de mon élevage, souffrait d'épilepsie et quelques mois plus tard, on diagnostiqua une sévère dysplasie chez Joplin et Gladys. En revanche, Isabelle resplendissait de beauté et de santé et faisait l'admiration de tous. Encouragée par de nombreuses personnes, je commençais à envisager l'élevage de colleys américains. Checkers, un magnifique et adorable mâle tricolore, de la même lignée qu'Isabelle, vint nous rejoindre en avril 1998. Ma visite à la Nationale d'Elevage du Collie Club of America, en mars 1999, renforça mon sentiment d'insatisfaction à l'égard de l'élevage de colleys anglais. Il y avait près de 800 colleys inscrits à cette nationale, tous plus magnifiques les uns que les autres. Le 1er juillet 1999, Isabelle, qui avait été saillie par Checkers, perdit une portée de 12 chiots tricolores en raison d'une atonie de l'utérus. Une fois de plus, une catastrophe provoqua un bouleversement et porta le coup de grâce à mon élevage de colleys "anglais". Deux semaines après la perte de la portée d'Isabelle, une superbe femelle sable de 2 ans, Lana, vint agrandir notre famille de colleys "américains". Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, elle eut ses chaleurs quinze jours plus tard et le 29 septembre 1999, elle nous combla de joie avec une merveilleuse portée de quatre chiots sables, avec Checkers pour papa. En automne 1999, nous accueillirent les parents de Checkers, Woody et Dolly. Je pleurais de bonheur et de joie. Mon rêve d'enfant était enfin réalisé, je venais de remplir ma maison de "Lassie" et j'allais avoir beaucoup d'autres colleys.


A la lecture de ce qui précède, on peut se demander pourquoi il existe un chien et deux standards. Depuis le temps où la Reine Victoria a envoyé aux USA deux colleys pour y être exposés, les Colleys n'ont cessé de quitter l'Angleterre pour le Nouveau Monde jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale. Le premier livre des origines aux USA (stud book) ne contenait aucune inscription. En 1853, il y eut 22 colleys d'inscrits dont 19 par des éleveurs américains. Le Collie Club of America fut fondé en 1886 et a adapté le standard en juillet 1900. Cette année-là, il y eut 675 colleys inscrits (en France en 1999, il y avait moins de 2000 colleys inscrits au LOF et en 2007 un peu plus d'un millier seulement).